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Le développement de l'âme

Alfred Percy Sinnett
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CHAPITRE XI :
LES FRÈRES AÎNÉS DE l'HUMANITÉ (3/3)

Consacrons un instant à l'examen de quelques-unes des critiques les plus habituelles visant la condition des Adeptes et leur genre d'activité ; car la littérature théosophique moderne y a fait allusion dans ses publications. On a prétendu qu'en menant cette vie recluse (du moins en ce qui concerne leur existence sur le plan physique) ils négligeaient en égoïstes les terribles souffrances de l'humanité qu'ils pourraient si souvent soulager, s'ils quittaient leurs sommets élevés pour se mêler à la race humaine. Avoir le pouvoir d'agir sur la matière, de combattre la maladie et ne pas s'en servir aussitôt pour supprimer la misère et la douleur, semble indiquer, à la vue bornée de quelques-uns de nos moralistes, un manque de sympathie pour la souffrance et une négligence égoïste des occasions qui permettraient de la soulager.

      Cette critique dénote une ignorance assez concevable des lois de la Nature et du but de l'univers – elle provient aussi de ce qu'on oublie totalement qu'en dépit des apparences, l'évolution de ce monde est peut-être régie par de justes lois et peut avoir en vue des intérêts bien plus importants que l'allègement des épreuves pénibles que la plupart des hommes se sont attirés eux-mêmes au cours de leurs vies antérieures.

      Que l'on ne se méprenne pas au sens de mes paroles. La vue de la souffrance humaine, si légitimée qu'elle soit par les actes antérieurs de l'être qui la subit, éveillera toujours la plus vive et la plus tendre sympathie au cœur des vrais Maîtres de Sagesse. Mais, pour eux, cette sympathie ne peut être qu'associée à une faculté très étendue de clairvoyance qui leur permet d'apercevoir dans le passé les causes génératrices de cette souffrance, et d'escompter les résultats heureux que l'être éprouvé pourra retirer, dans l'avenir, de leur épuisement.

      Pour nous, qui ne voyons que la souffrance, notre seul devoir est évidemment de la soulager dans la limite très restreinte des pouvoirs que nous possédons. Si nous y réussissons, nous ne déjouons pas, pour cela, les desseins de la Nature ; nous y jouons plutôt, selon toute probabilité, un rôle partiellement inconscient, et le karma de l'infortuné que nous secourons peut être, dans une certaine mesure, considéré comme accompli, lorsque la force du destin nous met en rapport avec lui.

      L'Adepte, au contraire, qui se trouve déjà en relation consciente avec les desseins de la Nature et n'est plus aveuglément soumis à cette pression du destin, se trouve dans une situation bien différente. Il n'est plus l'instrument obligé du karma. La grande loi, en effet, ne choisit pour instrument que des hommes appartenant au même plan d'existence que l'être infortune dont il s'agit. Si l'Adepte intervient, armé d'une connaissance ou d'un pouvoir semblable à celui dans lequel le résultat karmique tire son origine, il bouleversera naturellement l'ordre établi des choses. Un pareil obstacle apporté au cours des événements ne ferait très probablement qu'ajourner la souffrance qu'il semble vouloir apaiser, car la loi de karma exigera plus tard pleine et entière justice ; elle s'accomplira, peut-être, dans une autre vie qui, autrement, eût été libérée de l'ancienne dette si on avait laissé les événements suivre leur libre cours.

      Les philanthropes, d'intelligence moyenne, s'efforcent, assez justement, de remédier aux douleurs humaines, mais leurs efforts n'ont, en somme, que peu d'efficacité, car pour combattre le mal il faut s'attaquer à ses sources profondes, autrement dit à ses causes fondamentales. Le philanthrope moderne attribue les causes de la misère et de la souffrance au mépris des lois économiques, et cherche à y remédier eu enseignant la pratique de l'économie, de la tempérance et du travail, c'est-à-dire de vertus dictées par un égoïsme éclairé. D'autre part l'Adepte, qui possède une conception plus haute des lois du karma, sait que la pratique des vertus économiques est insuffisante à affranchir la société des souffrances qui l'affligent ; car les épreuves atteindront toujours, sous une forme ou une autre, les êtres réincarnés qui n'auront encore vécu que dans un but simplement égoïste.

      On ne peut échapper à la rétribution karmique des péchés commis envers l'humanité, tels que la cruauté envers ses semblables ou la dureté de cœur vis-à-vis de l'infortune. Les plus adroites combinaisons imaginées en vue de détruire la misère et de prévenir le crime ne réussiront pas à en garantir les générations futures avant que les hommes aient appris que, créant actuellement les conditions de leur réincarnation future, ils doivent conformer leur vie à cette loi inévitable, et travailler à l'épuisement des forces qui génèrent la misère et la souffrance, afin qu'à l'avenir celles-ci n'interviennent plus comme nécessités karmiques dans l'évolution universelle.

      En conséquence, l'intérêt de l'Adepte est, avant tout, de se dévouer au développement de la connaissance et des aspirations spirituelles, car elles détourneront les hommes d'un attachement trop exclusif aux conditions matérielles de l'existence ; ils seront alors moins disposés à sacrifier sur les autels de l'intérêt personnel les inspirations humanitaires d'ordre plus élevé.

      Je n'entends certainement pas expliquer ou justifier la ligne de conduite que la Fraternité des Adeptes s'est imposée envers l'humanité non-initiée. Je désire simplement prouver qu'avec notre connaissance, même limitée, des fonctions qu'ils exercent dans la nature, nous pouvons facilement réfuter une critique manifestement inqualifiée et inspirée par la plus complète ignorance du sujet en question. Les Adeptes ont à s'occuper, presque exclusivement, des intérêts spirituels de l'humanité ; et, en ne considérant que ceux-ci, il est évident qu'à certaines époques de l'histoire leur influence peut être plus ou moins restreinte. Les destinées humaines procèdent par longues séries de cycles enchaînés les uns aux autres, et chacun de ces cycles a ses périodes de tendance spirituelle et de tendance matérielle.

      Parfois les conceptions exotériques des religions humaines favorisent l'expansion de la vraie connaissance ; d'autres fois elles l'entravent. Ceux qui, devançant leurs contemporains, ont acquis le pouvoir et la béatitude du Royaume Divin, ne peuvent souvent faire davantage que protéger le petit nombre d'êtres qui, malgré les efforts et les dangers qui s'y rencontrent, les suivent péniblement sur le sentier du progrès.

      En d'autres temps ils peuvent chercher à réformer les religions adoptées pour les mettre plus en harmonie avec les lois naturelles qui, de toute éternité, gouvernent l'évolution spirituelle. Mais, tout en agissant plus ou moins selon les temps, il est une œuvre toujours en leur pouvoir et à laquelle ils n'ont jamais failli, c'est celle d'entretenir le feu sacré, expression symbolique bien suggestive. Par leurs soins, il y aura toujours, sur terre, une communauté d'Adeptes prêts à instruire et à guider le nombre croissant de ceux qui, profilant de conditions cycliques plus favorables, se prépareront au sentier du développement intérieur et deviendront ainsi les collaborateurs de la Nature dans ses desseins les plus sublimes ; il ne faut pas perdre de vue que tous les stades préliminaires de l'évolution leur sont subordonnés.

      Quant aux Etres qui, depuis longtemps, ont atteint l'élévation du Royaume Divin, peut-être seront-ils appelés à d'autres conditions mystérieuses de repos et de béatitude ; sans en savoir beaucoup à ce sujet, nous pouvons raisonnablement supposer qu'ils y pénétreront l'un après l'autre, non sans avoir accompli la grande tâche qu'ils avaient entreprise et trouvé des successeurs, vainqueurs à leur tour dans la grande lutte et prêts à les remplacer.

      Ce qui précède nous démontre que la Fraternité des Adeptes n'est pas seulement une organisation d'hommes extrêmement évolués et spiritualisés, mais encore une fraternité d'un caractère si élevé qu'elle se rattache à la grande Hiérarchie d'êtres supérieurs qui dirigent l'évolution spirituelle du monde. Quelques-uns d'entre ceux qui atteignent l'adeptat entrent à leur tour dans cette Hiérarchie, et l'on peut dire alors qu'ils guident et dirigent les manifestations multiples de la Volonté cachée qui les inspire. Cette idée, lorsqu'on la comprend bien, n'infirme en rien la conception religieuse, un peu vague, qui attribue la création du monde à Dieu ; pas plus que ce fait, que l'homme, spécialisant l'électricité et l'employant à des besoins déterminés, n'en infirme cette profonde vérité que l'électricité elle-même est une force puissante et toujours présente dans la nature. Il est absolument vrai que la Volonté Divine agit en se servant de puissances intermédiaires entre l'homme et Dieu ; c'est une interprétation scientifique des œuvres de la Nature et non le résultat de quelque croyance vague propre aux esprits peu cultivés qui n'ont jamais cherché à préciser leurs croyances.

      L'idée d'un Etre dirigeant consciemment l'évolution de l'humanité, dès son apparition dans notre Grande Période d'activité planétaire, est, je le répète, parfaitement raisonnable et s'harmonise avec les plus hautes conceptions religieuses. C'est d'ailleurs moins une idée qu'un fait réel constaté par ceux-là mêmes qui servent d'intermédiaires entre cet Etre et le reste de l'humanité.

      Par ces agents, quelques connaissances bien définies ont pénétré jusqu'à ceux d'entre nous qui, cherchant à s'élever, reçoivent déjà l'instruction des Adeptes. Il est certainement impossible à l'esprit incarné, prisonnier de son corps charnel et doué d'une conscience très limitée destinée à fonctionner sur le plan matériel, de concevoir une idée exacte des attributions de cet Etre Suprême ; la connaissance de son existence est déjà un premier pas vers la compréhension de la hiérarchie spirituelle entière.

      Quelques personnes supposent qu'un obstacle infranchissable sépare l'homme de Dieu ; ils considèrent l'humanité comme un composé d'unités individuelles et éternelles, qui, en regard de la Divinité, sont dans une limitation, un asservissement absolus, tels qu'un jouet entre les mains d'un enfant. Cette conception est vraiment humiliante pour l'être humain, et fait mépris de toutes les lois de la Nature ; car si elle était conforme aux faits, ces lois n'auraient aucun but, aucune raison d'être. Admettons, au contraire en principe, que l'homme, après avoir franchi le mystère de la mort, soit appelé à des destinées plus hautes, et élevé à une connaissance, une sagesse et une puissance vraiment divines, qui le feront ensuite participer – s'il s'en montre digne – à la direction spirituelle de toute sa race ; nous arrivons alors à une conception véritablement sublime du système de l'évolution humaine.

      Cet ordre d'idées, plus encore que la doctrine de la réincarnation, nous montrera la triste erreur commise par quelques personnes lorsqu'elles considèrent la brièveté de chacune de nos vies terrestres, erreur causée par leur soumission voulue, ou inconsciente peut-être, aux dogmes d'une théologie étroite et bornée. Les vrais savants, admirateurs passionnés de la Nature et étudiants révérencieux de ses lois, sont particulièrement désillusionnés à la pensée que la mort, en désagrégeant le cerveau, dont ils cultivaient si intelligemment les facultés, anéantira en même temps le fruit de leurs travaux. La religion conventionnelle leur fait espérer, il est vrai, une sorte de survivance de la conscience ; mais un paradis, avec ses couronnes et ses harpes, avec les extases inintelligentes de ses fidèles devant « le trône » ; ce paradis, rêve de quelques prêtres ignorants, quoique bons et charitables, ne peut inspirer qu'un morne ennui à des hommes qui, déjà sur terre, possèdent de hautes aptitudes scientifiques et ont développé une grande énergie intellectuelle. Ils s'en détournent avec déplaisir sinon avec mépris, oubliant que les prêtres exposent peut-être une grande vérité en promettant la survivance de l'âme, quoiqu'ils la dénaturent ridiculement en l'entourant de détails à la hauteur de leur propre intelligence. Alors ces savants, qui sont eux-mêmes les vrais prêtres de la Nature, qui l'étudient et l'admirent, tombent dans une espèce d'altruisme découragé ; ils cherchent à se consoler dans l'espoir que leur œuvre sera reprise par leurs successeurs, lorsqu'eux-mêmes ne seront plus que poussière, et que leurs pensées s'évanouiront, semblables au soleil qui, ayant lui durant le jour, s'éteint à son déclin et disparaît dans la nuit.

      La donnée théosophique leur offrirait dès les premiers pas, au lieu de ce triste avenir, une perspective des plus attrayantes. La persistance de la conscience individuelle – la réincarnation de l'Ego avec la connaissance et les expériences de chaque vie accumulées comme réserves prêtes à favoriser un progrès futur, comme facultés intellectuelles prêtes à entrer, une fois de plus, en activité ; c'est la première grande loi de l'évolution spirituelle, elle combat victorieusement cette conception, outrageante pour la Nature, que « la mort » du savant entraîne la perte de son savoir. Mais avec le temps le savant verra s'ouvrir devant lui un avenir bien plus haut, il s'éveillera à la perception de cette science supérieure qui peut harmoniser ses connaissances avec le grand plan d'évolution de la Nature et lui inspirer le désir de perfectionner sa nature individuelle afin de pouvoir se joindre aux Hiérarchies qui prennent part à la direction de l'univers. Mais il ne peut en arriver là s'il concentre ses facultés sur les seuls phénomènes du plan physique, car ce plan n'est qu'une des nombreuses facettes que nous montre la Nature. Si intelligemment, si fortement qu'il exerce cette faculté de concentration, elle ne pourra développer qu'une des nombreuses potentialités latentes en la nature de l'homme, et pour mériter une place dans le Royaume Divin, il faut être plus que ce que nous entendons communément par un homme de science.

      La science, telle que nous la comprenons ici-bas, peut être un excellent stimulant pour l'évolution spirituelle ; mais un régime composé exclusivement de stimulants ne saurait entretenir la santé. Il faut étudier d'autres lois encore que les lois physiques de la Nature, avant de pouvoir maîtriser et utiliser les forces du plan spirituel. L'homme ne vit pas seulement de pain, et l'âme ne s'élève pas seulement par la science, (j'entends ici la science du plan physique). Le savant doit d'abord, s'il veut entrer en possession de l'héritage que lui réserve la Nature, comprendre le but qu'elle se propose pour pouvoir favoriser son exécution, et il doit unir ses aspirations à l'esprit dans lequel ce but fut conçu. Lorsqu'il l'aura fait et pas avant, les Frères Aînés de l'humanité seront prêts à l'admettre parmi eux.




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